Catherine Colomb, Pile ou Face


Roman inaugural

L’auteure est née à Lausanne en 1892. Elle est brillante, cultivée, doctorante, journaliste, enseignante. Elle s’appelle Marie Colomb, ou encore Marie Reymond, et a même bien d'autres noms. En littérature, elle sera Catherine Colomb. 

C’est casée à Yverdon, depuis sa vie familiale et bourgeoise, que Catherine Colomb participe à un concours organisé par un journal genevois. Et voit ainsi ce premier roman - Pile ou face - publié en 1934. Retrouvant sa confiance, larguant les brides, elle écrira de nombreux textes, chroniques et romans, aujourd’hui réunis sur plus de 1600 pages dans un ouvrage turquoise sur les quais: Tout Catherine Colomb.

Ce premier roman inaugure son style: caustique, critique, avec un regard acéré sur les prérogatives dans lesquelles se vautrent certains hommes bien nés, ceux qui néanmoins naviguent entre frustration et déprime. 

Petites vies radines et étriquées

Dans Pile ou Face, ils vivent à trois, quatre avec la bonne, dans leur confort bourgeois et dans une indifférence imperméable, si ce n’est des montées de ressentiment qui jaillissent de-ci et de-là. Comme cette fois où il tombe sur un catalogue féminin, futilité qui ne pourra que donner des idées de dépense à sa femme, alors que lui songe avec grandeur «à son oeuvre, à son petit steinmann», comme il l'appelle, on comprend qu’il s’agit d’un livre qu’il rêve d’achever, on ignore s’il l’a même commencé.

Ils évoluent ainsi  - «à vues humaines, ils avaient encore vingt ans à vivre ensemble» - dans leur univers composé de petites habitudes déplaisantes, dont l’agacement produit sur l’autre semble demeurer la seule source de satisfaction. Un univers de radinerie, que celle-ci soit financière ou affectueuse. Elle se plaît à imaginer sa vie sans lui; il lui donne un matin «l’un de ses trois baisers annuels».

Dans cette ambiance étriquée, Thérèse, leur fille, tente de survivre à sa rupture d’avec Philippe. Et se demande dans un premier temps comment avouer à son père qu’elle a commandé un livre à 40 francs. Avant de se réaliser que peu importe: «Quand le remboursement viendra le 15 octobre, elle sera morte.» 

Triste et laid

Une critique de l’époque concluait justement: « C’est triste et laid, petit, pénible et c’est par moment d’une ironie coupante, d’une vérité saisissante. Cela porte le signe du talent ». 


Pour aller plus loin

En libre accès, Savoir suisse: Anne-Lise Delacrétaz, Catherine Colomb, En plein et lointain avenir